Comment reconnaître les Dark Patterns ?

Dark Patterns. Encore un terme anglophone qui ne vous dit rien comme le monde du web sait si bien en produire.

Lorsque vous réaliserez de quoi il s’agit, vous allez bouillir intérieurement 🤬.

Vous y êtes confronté tous les jours. La plupart du temps, ils vous donnent envie de faire passer votre ordinateur par la fenêtre.

Vous est-il déjà arrivé de vous désinscrire d’une Newsletter et de tout de même la recevoir dans votre boîte mail le lendemain ? De vous sentir obligé de donner votre avis sur un produit sous peine de ne pas parvenir à sortir d’un formulaire ? De vouloir consulter une page d’un site web et d’être emmené sur une autre ? De vouloir vous désengager d’un service web et d’engager un parcours du combattant pour y parvenir ?

Vous pensez que vous avez raté quelque chose pour en arriver là ? Rassurez-vous. Le problème ne vient pas de vous. Vous êtes victime de Dark Patterns, ces pratiques de design web destinées uniquement à piéger les internautes dans le seul intérêt de l’entreprise.

Pour vous aider à en déjouer les pièges, je vous décrypte dans cet article les différentes pratiques de Dark Patterns. Vous découvrirez leur fonctionnement pour pouvoir mieux les contourner.

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Dark Patterns: le côté sombre de l’UX Design

L’UX Design c’est bien

Au départ était l’UX Design (User eXperience. Le design d’expérience en anglais). Cette pratique, quasi exclusivement réservée au web aujourd’hui, s’est donnée comme mission d’améliorer et simplifier l’accès aux services d’internet à ses utilisateurs. En recherchant un subtil équilibre entre ergonomie et design web, les concepteurs de sites permettent aux internautes de vivre une expérience de navigation fluide et agréable. L’accès aux produits et leur utilisation sont simplifiés.

Pour parvenir à cette fluidité, certains codes de design simples et facilement compréhensibles sont utilisés. Par exemple, pour valider une action sur le web, comme l’adhésion à une newsletter, la validation d’une commande… on a généralement un gros bouton bien visible dans les tons bleus 🔵 ou vert 🟢. Les codes couleur dans les tons rouges 🔴 font référence à une action qui est déconseillée pour votre sécurité ou votre bien-être.

Les internautes du monde entier ont ces références bien ancrées dans leur esprit depuis des années. Pour valider quelque chose sur un site web, on recherche un gros bouton bleu ou vert, facilement identifiable.

Dans ce monde de l’UX Design tout le monde est content. Les internautes qui ont accès facilement aux contenus du web, les designers web qui conçoivent des sites fluides, les entreprises qui voient leurs clients acheter leurs produits.

 


Le Dark Design c’est mal !

Puis apparait le grand frère maléfique : le Dark Design 😈 ! Son but principal est de vous capturer sur un site web et de ne plus jamais vous en laisser sortir ! Jamais ! Et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour ça.

Son arme principale est également le design web, mais il a remplacé l’ergonomie par les Dark Patterns, des pièges suffisamment pénibles pour vous faire réaliser vous-même des actions que vous ne souhaitiez pas faire au départ dans le seul intérêt de l’entreprise à laquelle appartient le site web.

Les Dark Patterns revêtent de nombreuses formes parfois subtiles, parfois cachées mais toujours très énervantes :

  • Des conditions d’utilisation cachées et écrites en caractère 8 sur 30 pages sans interligne. Qui ne cliquerait pas sur « Accepter » sans avoir lu ce pavé ? Le site en question (Facebook, Google…) vient d’obtenir votre consentement à utiliser toutes vos données personnelles. Bien joué !
  • Une case cochée par défaut, qui autorise à faire quelque chose qui n’est pas dans votre intérêt. Exemple : l’ajout d’une assurance lors de la réservation d’un voyage.
  • Au contraire la case non cochée qui vous empêche d’aller plus loin dans votre réservation si elle n’est pas cochée. Exemple : l’acceptation de recevoir une newsletter.
  • La fausse urgence. Les sites de voyage en sont les champions. Si vous trainez sur Booking vous trouverez forcément des annonces d’hôtels qui n’ont plus qu’une seule chambre disponible. Si vous ne la réservez pas là, maintenant, vous allez gâcher vos vacances. C’est sûr et certain ! Et vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même. La culpabilisation extrême et la peur de passer à côté d’une bonne occasion vous incitent à réserver une chambre que vous n’auriez probablement pas choisie au départ.
  • L’inversion des codes couleur pour une action qui irait à l’encontre des intérêts de l’entreprise. Par exemple un petit bouton rouge pour valider la désinscription à un service et un gros bouton bleu pour l’annuler. Cette pratique porte même un nom particulier : Le « Privacy Zuckering » (« La vie privée selon Mark Zuckerberg »). Il est connu que sur Facebook apparait un bouton bleu « Annuler » lorsqu’on veut retirer une info ou une photo de son compte.

Quel est leur but ?

On est en droit de se demander pourquoi ces sociétés mettent autant de bâtons dans les roues de leurs utilisateurs. Ils seront forcément énervés et ne voudront plus jamais utiliser leurs services.

Ces pratiques sont généralement utilisées par des sites web devenus incontournables dans notre monde d’aujourd’hui : Facebook, Twitter, Amazon…

Vous avez déjà essayé de clôturer votre compte Amazon ? C’est un véritable calvaire comme le montre cette vidéo édifiante.

L’ADN a également communiqué sur l’UFC-Que Choisir qui lancerait une action de groupe contre Vinted qui facturerait une « protection acheteurs » abusive, dissimulée à la première étape de l’achat.

Ce parcours du combattant est connu sous le doux nom de « Roach Motel » (motel à cafards) : un site web dont le design est conçu pour que vous entriez facilement (la création d’un compte) mais pour qu’il soit extrêmement difficile d’en sortir (la suppression de votre compte).

Si vous, en tant que petit entrepreneur, vous vous amusez à faire cela, je ne donne pas cher de l’avenir de votre site web.

L’intérêt qu’y trouve ce genre de site (et particulièrement les réseaux sociaux) est d’afficher un nombre d’utilisateurs conséquents. Cela affiche une preuve sociale irréfutable pour donner envie à d’autres internautes de se créer un compte et aux investisseurs d’y acheter de la pub. Ainsi, à un moment, il était impossible de supprimer un compte Facebook. Au mieux, on pouvait suspendre son compte mais pas le supprimer. Le site de Mark Zuckerberg pouvait par conséquent s’enorgueillir d’un volume conséquent de comptes ouverts chez lui… dont beaucoup de comptes inactifs. Si le service est gratuit, c’est vous le produit. Cette maxime très connue prend tout son sens ici.


Les Dark Patterns : légal ou illégal ?

Les Dark Patterns jouent avec les limites de la légalité. Lorsqu’une personne se plaint de ces pratiques, on lui rétorque qu’il a accepté librement d’y consentir. Sauf qu’on ne vous a pas facilement donné d’autre choix !

Ces pratiques sont tellement insupportables que la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) se penche sur leur cas dans son excellent document « La forme des choix ».

La frontière est tellement mince entre pratique légale et piégeage éhonté des internautes qu’on ne peut pas légalement reprocher quoi que ce soit à ces entreprises. À ce jour, seule Vinted a été portée devant les tribunaux par l’association UFC-Que Choisir pour pratique commerciale trompeuse. Ils auraient ajouté une commission optionnelle qui s’avère être en fait obligatoire au moment de l’achat d’objets ou vêtements sur la plateforme de seconde main. Le jugement n’a pas encore été rendu à ce jour.


Les Dark Patterns ne sont pas près de disparaitre 😪. Les pros du Dark Design sont passés maitres dans cet art et ça fonctionne très bien pour eux. Ils ont toujours autant d’utilisateurs qui ne leur reprochent rien ou pas grand-chose. Pourquoi arrêter ?

Et vous ? Quels sont les Dark Patterns auxquels vous avez été confrontés et comment avez-vous réussi à les contourner ? Dites-le-moi dans les commentaires.