Un petit tremblement de terre est en cours dans l’univers des influenceurs français. Un texte de loi vient tout juste d’être promulgué. Publié au bulletin officiel, je vous présente : “LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux”. Tout un programme ! 🙌
Censée protéger les consommateurs, mais aussi tous les influenceurs, des pratiques peu scrupuleuses d’une minorité, cette loi fait trembler toute la toile.
Le dropshipping et les « influvoleurs », comme dirait Booba, ne passeront plus entre les mailles du filet. ❌
Mais pour les autres, pour tous ceux qui proposent des partenariats honnêtes, qu’est-ce qui change ? Avez-vous réellement du souci à vous faire ?
J’ai épluché la loi sous toutes ses coutures et je fais le point avec vous.
Influenceurs : que dit la loi sur vos droits et vos obligations ?
Un des principaux buts de cette nouvelle législation est d’encadrer la profession d’influenceur. Jusqu’à présent, il n’existait aucun cadre juridique strict pour définir la nature professionnelle ou commerciale de ces 150 000 acteurs du numérique en France. Depuis le 9 juin, c’est chose faite. Et Bruno Le Maire est très fier de cette première en Europe. 🙌
Quatre grands thèmes se dégagent de ces nouvelles réglementations.
1. Définir
Qu’est-ce qu’un influenceur ?
Hier encore, la définition d’un influenceur était relativement floue et dépendait de ce que chacun pensait de ces leaders d’opinion modernes.
Certains diront que ce sont des créateurs de contenu en ligne, qui grâce à leur charisme et à leur notoriété, inspirent et influencent des comportements ou des décisions d’achat.
D’autres que ce sont des ambassadeurs des marques qui profitent de leur communauté pour s’enrichir. Ou encore que ce sont des figures inspirantes qui marquent les tendances et façonnent la culture digitale.
Mais maintenant, la définition officielle est tombée :
Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.
Très claire, non ? 😅
Au démarrage de ce projet de loi, la définition incluait ce petit complément :
“en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature dont la valeur est supérieure aux seuils fixés par décret”.
Mais finalement exit cette mention. Donc pas de seuil minimum fixé, juste le “à titre onéreux” qui peut être librement interprété.
Peut-on considérer que l’instagrameur à 10 000 abonnés, qui bénéficient de réduction sur son dentifrice zéro déchet, est un influenceur ? Difficile à dire en l’état. Peut-être que le décret en dira davantage.
2. Protéger
La nouvelle loi est là pour éviter les dérives et pour protéger tout le monde : vous, le consommateur et l’annonceur. Avec une mention spéciale pour les enfants influenceurs.
Des contrats sont dorénavant obligatoires entre influenceur et agent d’influenceur (qui a d’ailleurs, lui aussi reçu une définition). Mais aussi avec l’annonceur si la rémunération ou les avantages dépassent une certaine somme, qui sera fixé par décret prochainement.
Ces contrats doivent être clairs et inclure obligatoirement ces informations :
- l’identité et les coordonnées postales et électroniques de chacun,
- le pays de résidence fiscale,
- la nature des missions confiées,
- les modalités de paiement ;
- en cas d’avantages en nature, sa valeur et ses conditions d’attribution ;
- et les droits et les obligations de tous, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle.
Je suis sûre que d’ici très peu de temps, vous pourrez trouver en ligne des contrats-type, pour vous simplifier la vie.
La loi vise également à mieux protéger les enfants influenceurs. Les règles établies par la loi du 19 octobre 2020 et qui concernaient les enfants youtubeurs, sont maintenant élargies à tous les réseaux sociaux. Les parents doivent donc signer des contrats et bloquer 90 % des sommes versées sur un compte en attendant leur majorité.
3. Responsabiliser
Des mesures renforcent la responsabilité de toutes les parties concernées.
Les influenceurs établis en dehors de l’Union Européenne, Dubaï par exemple, sont désormais tenus de désigner un représentant légal résident dans l’UE. De plus, si ces influenceurs touchent une audience française, ils doivent souscrire une assurance civile en Europe.
Les plateformes de réseaux sociaux ont aussi leur rôle à jouer. Elles doivent mettre en place des mécanismes pour contrôler les contenus publiés et veiller à ce qu’ils se conforment aux nouvelles réglementations en vigueur. Elles doivent aussi coopérer avec les autorités.
Les particuliers, eux, sont invités à signaler tout manquement aux règles.
4. Punir
Les influenceurs qui ne respecteraient pas les nouvelles dispositions mises en place par cette loi risquent gros. Interdiction d’exercer son activité, 2 ans de prison et jusqu’à 300 000 € d’amende pour les cas les plus graves.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a vu son pouvoir renforcé. Ils pourront imposer des astreintes et des mises en demeure aux influenceurs qui ne jouent pas le jeu.
Ces sanctions s’appliquent pour les obligations que nous venons de voir. Mais aussi pour les interdictions qui concernent les contenus eux-mêmes. Et elles s’appliquent immédiatement !
Influenceurs : attention à vos contenus !
La loi établit de nombreuses interdictions et quelques obligations, concernant le contenu diffusé par les influenceurs.
Les interdits
Certaines catégories de produits sont strictement interdites. C’était déjà le cas pour les boissons alcoolisées, le tabac, les produits financiers à risque et les énergies fossiles. La liste vient de se rallonger considérablement.
Voici les produits et pratiques pour lesquels la promotion directe ou indirecte est interdite :
1. la chirurgie esthétique et tous les actes, procédés et méthodes à visée esthétique ;
2. le vapotage ;
3. les boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorants de synthèses ;
4. tout ce qui implique des animaux non-domestiques (sauf pour les établissements autorisés) ;
5. les produits alimentaires manufacturés ;
6. les produits comparables ou préférables à des prescriptions médicales ;
7. les produits à base de nicotine ;
8. les abonnements à des conseils ou à des paris sportifs ;
9. les jeux d’argent et de hasard (sauf si vous êtes sur une plateforme réservée aux adultes) ;
10. tout ce qui concerne la cryptomonnaie et les jetons numériques, sauf personnes habilitées.
Il est fort probable que les influenceurs NFT grincent des dents.
Mais c’est le terme “indirecte” qui m’interpelle particulièrement. Qu’est-ce qui peut être considéré comme une “promotion indirecte” ? Est-ce qu’un influenceur voyage pourra continuer de montrer des vidéos de tortues sur les îles Galapagos ? La maman influenceuse pourra-t-elle encore parler de sa méthode de grand-mère pour soulager les otites de son bébé ?
Surtout que rien ne précise dans cette loi le nombre de followers nécessaires pour être considéré comme un influenceur.
Les obligations
En tant qu’influenceur, vous êtes dorénavant dans l’obligation de signaler, avec une mention très claire et bien lisible, certains contenus particuliers.
- Tous les contenus promotionnels doivent porter une de ces 2 mentions : “Publicité” ou “Collaboration commerciale”.
- Tous les contenus retouchés de façon à modifier le visage ou la silhouette sont obligatoirement accompagnés d’un “Image retouchée”.
- Tout contenu généré par Intelligence Artificielle représentant un visage ou une silhouette doit lui aussi être mentionné comme une “image virtuelle”.
Et ces mentions doivent être présentes durant l’intégralité de la vidéo ou tout au long du visionnage des images.
Quelles conséquences pour les influenceurs ?
La nouvelle loi sur l’influence commerciale est donc bien stricte. Votée le 1ᵉʳ juin, la DGCCRF n’a pas attendu longtemps avant de prendre des mesures. Dès le 2 juin, 30 influenceurs se sont vus épinglés pour certaines pratiques douteuses. Illan Castronovo, Capucine Anav et Simon Castaldi en ont fait les frais et ont l’obligation d’afficher pendant 30 jours un texte officiel de ce type :
Pour être le plus efficace possible, la DGCCRF a accueilli 15 nouveaux agents au sein d’une brigade créée spécialement : la Brigade de l’influence commerciale. En parallèle, ils vont nommer des “signaleurs de confiance”. Chacun peut signaler toute dérive douteuse. Mais les plateformes devront traiter en priorité les informations transmises par ces signaleurs de confiance.
Cette loi mijotait depuis plusieurs mois. Et ce n’est donc une surprise pour personne. Certains la réclamaient haut et fort et semblent un peu déçus par le manque de sanctions prévues. “Poudre aux yeux”, “coups d’épée dans l’eau” : les shérifs anti influvoleurs ne sont pas satisfaits.
Et si effectivement quelques-uns profitent du système depuis trop longtemps, la grande majorité des influenceurs travaille honnêtement.
Malgré tout, vous devez prendre en compte ces nouvelles réglementations et les mettre en pratique. Très vite !
Je vous conseille de vous renseigner sur le Certificat de l’Influence Responsable mis en place par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité). Cette formation payante (entre 49 et 129 €) vous permet de passer un examen de certification. Il sera de très bon ton sur les réseaux sociaux pour afficher votre éthique. Et pour donner confiance aux marques et à vos abonnés. 💜