Snapchat, née en 2011, sera-t-elle morte en 2019 ? On peut le craindre tant l’histoire de cette application a un parfum balzacien de grandeur et décadence. Retour sur une ascension fulgurante qui tourne vite court et fait craindre le pire pour le petit fantôme. 👻
2011, naissance de l’application Snapchat
En 2011 arrive sur l’App Store d’Apple une nouvelle application nommée Snapchat. Elle est créée par trois jeunes gens : Evan Spiegel, Bobby Murphy et Reggie Brown. Elle sera disponible un an plus tard sur Android. Le concept fait immédiatement fureur : une fois les photos consultées par le destinataire, elles disparaissent.
Cette innovation est une véritable aubaine pour un public jeune qui ne veut pas laisser de traces. Les utilisateurs n’ont plus la naïveté des débuts du smartphone et ont compris que des « erreurs de jeunesse » peuvent avoir des conséquences néfastes, notamment pour la suite de leur parcours professionnel.
Snapchat représente la garantie qu’on ne leur ressortira pas plus tard de squelettes – ni de fantômes ! – du placard.
Snapchat connaît ainsi un succès fulgurant, notamment auprès des 18-24 ans. 📈
2012, l’année de la vidéo et 2013 : la story
Les smartphones se démocratisent, leur qualité progresse rapidement et la vitesse de chargement des médias avec. Face à la demande sans cesse plus pressante, Snapchat ajoute une nouvelle fonctionnalité : l’envoi de vidéos.
L’application continue sa progression spectaculaire qui incite même Facebook à lui faire une proposition de rachat qui se compte en milliards de dollars mais qui lui sera refusée.
Puis suit l’arrivée de la story. Bien des réseaux sociaux s’y sont mis depuis. Mais, à cette époque, l’idée est révolutionnaire. Personne n’avait encore eu l’idée de proposer à chacun de créer sa propre histoire en mettant bout à bout des photos et des vidéos, avec en plus le culot de les supprimer vingt-quatre heures après leur mise en ligne !
Mais tout réussit à Snapchat et cette fonctionnalité aux accents cette fois-ci warholiens, où chacun peut se créer son propre quart d’heure de célébrité, entraîne toujours plus haut l’application.
Instagram attendra 2016 pour oser copier Snapchat, et Facebook 2017.
2015-2016 : Snapchat en quelques chiffres
En 2015, les 18-24 ans représentent 47% des utilisateurs de l’application quand ils ne pèsent que 16,5% chez Facebook et 18,2% sur Twitter.
Quatre milliards de vidéos sont vues quotidiennement au début de l’année 2015, le double en février 2016, puis dix milliards en avril 2016.
Le lancement de Discover
Snapchat profite de sa dynamique pour innover encore et toujours. Elle lance une nouvelle pépite : Discover. Cette fonctionnalité ouvre la porte à de grands médias partenaires pour qu’ils puissent créer leur propres stories mais avec des moyens plus hollywoodiens.
L’heure est à la création à grande échelle. Des marques prestigieuses se lancent dans l’aventure : CNN, People, Buzzfeed ou ESPN pour les États-Unis, puis Paris Match, L’Express, Society, Vogue, Le Monde ou L’Équipe pour la France.
Les stories de ces grandes compagnies bénéficient de moyens sophistiqués d’animation graphique, avec la possibilité de publier leurs articles en même temps. L’ascension de Snapchat continue et son influence grandit.
L’entrée en bourse de Snapchat
Snapchat entre en bourse en mars 2017. En août de l’année précédente, elle a passé un accord inédit avec le groupe média multinational NBC Universal qui lui permet de produire des émissions, non pas de télévision, mais spécialement dédiées à la diffusion via son application sur les smartphones.
En août 2016, elle lance Shows, le module média adapté aux mobiles. Elle se targue de pouvoir se substituer à la télévision et se sert de cet argument pour détourner les annonceurs publicitaires du petit écran pour les inciter à se tourner vers l’écran – encore plus petit – des smartphones. Elle arrive à les persuader que la diffusion de leurs publicités aura plus d’impact en misant sur ce média nouveau pour eux. 📺
En quelques mois, de prestigieux partenaires viennent enrichir les contenus de l’application : Discovery, ESPN, ABC, la BBC… Les émissions restent courtes, de trois à cinq minutes, mais demeurent exclusivement diffusées sur Snapchat.
A ce moment-là, beaucoup se demandent : mais qu’est-ce qui pourra arrêter Snapchat ? Mais le risque est commun à tous ces géants qui grandissent très (trop ?) vite : plus on est grand, plus on tombe de haut…
Snapchat se disperse et amorce son déclin
Toujours tournée vers l’innovation, Snapchat décide de pénétrer le marché du matériel électronique avec des lunettes intelligentes : les Spectacles. Le mot en anglais signifie à la fois « spectacles » et « lunettes ».
Le principe de ces lunettes d’un tout nouveau genre est de permettre à leur utilisateur de prendre des photos et des vidéos par l’intermédiaire d’une caméra embarquée. Evan Spiegel annonce, à l’occasion de ce lancement en grandes pompes, que Snapchat Inc. Devient Snap Inc. et entend se spécialiser dans le développement des appareils photo et des caméras.
Dès novembre 2017, Snap Inc. reconnaît avoir perdu quarante millions de dollars avec ses Spectacles mais ne s’avoue cependant pas vaincu.
En effet, les snapbots ont fait sensation : ces bornes à mi-chemin entre le distributeur de sodas et le smartphone géant au design évoquant un smiley permettent de distribuer les Spectacles sur la voie publique. Depuis, Snap a misé sur la diversification de ses modèles de Spectacles mais nul n’a vraiment trouvé le succès.
En décembre 2017, les déconvenues s’accumulent avec l’arrêt de l’émission de CNN lancée seulement quatre mois plus tôt. Les revenus publicitaires ne sont pas à la hauteur de l’attente de l’entreprise. Snap décide d’ouvrir son « antenne » à des créateurs indépendants en oubliant la clause d’exclusivité. Elle diffuse alors une trentaine d’émissions au plus chaque semaine dans le monde. 📉
Tentative de relance avec un nouveau design
Face au déclin de l’application, un nouveau design est lancé pour séduire de nouveaux consommateurs en simplifiant d’une part l’utilisation pour les particuliers et, d’autre part, en marquant encore un peu plus la frontière avec Discover et les médias professionnels.
Débuté officiellement en janvier 2018, ce changement produit un effet radicalement opposé à celui souhaité et c’est la tranche d’âge la plus férue de l’application, les 18-24 ans, qui s’en détourne brutalement.
A l’heure où la viralité peut faire des ravages, on glose sur l’influence qu’a eue la très célèbre Kylie Jenner aux États-Unis qui a vertement critiqué ce changement de design.
Elle n’est, bien sûr, pas la seule responsable de ce désamour des utilisateurs pour le petit fantôme, mais c’est l’accumulation de désillusions qui met à mal l’application. 😱
Le fantôme est-il mort ?
Pour endiguer sa chute, Snap renonce en grande partie à son nouveau design en mai 2018.
L’entreprise travaille aussi sur de nouvelles fonctionnalités et tâche d’améliorer celles déjà en place.
En mai de cette année, elle surprend avec l’annonce de la création d’un incubateur d’entreprises qui a pour vocation d’épauler les créateurs dans le domaine des médias. Il se nomme Yellow et creuse un peu plus le domaine de la réalité augmentée, déjà bien avancé avec les filtres de Snap.
Son autre point d’intérêt concerne les contenus interactifs dans lesquels elle veut fermement se positionner dans un proche avenir.
2019, l’année de la dernière chance ?
Aujourd’hui, Snap compte 188 millions d’utilisateurs actifs quotidiens dans le monde, dont 80 pour le continent nord-américain et 60 pour l’Europe.
Si ces chiffres peuvent paraître importants, ils sont en réalité dérisoires par rapport aux concurrents directs de Snap. Pour comparaison, Facebook compte 1,47 milliards d’utilisateurs actifs quotidiens dans le monde, soit près de huit fois le chiffre de Snap !
Snap se bat pour retrouver une dynamique car c’est loin d’être perdu pour elle, même si elle a encore perdu trois millions d’utilisateurs en août 2018. Elle a également cédé sa place dans le top des leaders de l’innovation et la concurrence est toujours plus âpre.
Son PDG, Evan Spiegel, a promis – en octobre 2018 – avoir bien compris la leçon. Ils ont voulu avancer trop vite, sans prendre le temps de la réflexion. Il veut désormais renforcer les racines de l’application. Ainsi, il promet, pour 2019, de développer encore cette dernière pour séduire un maximum de nouveaux utilisateurs. Il souhaite en faire un produit de communication majeur sur un modèle clair : envoyer une vidéo est plus rapide qu’écrire un message.
Fatigué par les copistes qui viennent piller les fonctionnalités novatrices de l’app, il jure aller plus loin dans l’innovation, notamment en matière de réalité augmentée.
Est-ce que son orientation vers une consolidation des acquis, soutenue par des évolutions techniques va finir par payer ?
Seul l’avenir nous le dira… Si ce n’est pas le cas… se perd le petit fantôme ! 😜